Histoire Passion - Saintonge Aunis Angoumois

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Le dessèchement du marais de la Petite Flandre en Saintonge

Région de Tonnay-Charente et Muron (Charente-Maritime)

lundi 22 octobre 2018, par Pierre, 408 visites.

Deux extraits de livres qui racontent les péripéties du dessèchement de ce marais de Saintonge, appelé Marais de la Petite Flandre ou Marais de Saint-Louis.

Un projet dont la réalisation n’est pas de tout repos pour les entrepreneurs. Les Hollandais en font l’amère expérience, à cause des "malveillants et envieux" qui détruisent les digues, et des tenanciers qui craignent la disparition de droits immémoriaux.

Une affaire à suivre sur Histoire Passion, avec d’autres textes réglementaires et des informations spécifiques aux marais de Saintonge et d’Aunis.

Sources :
- Histoire du dessèchement des lacs et marais en France avant 1789 - Edouard de Dienne - 1891 - BNF Gallica
- Source : Muron et ses environs : monographie - Frédéric Arnaud – Rochefort - 1898 – BNF Gallica

Marais de la Petite Flandre - Photo Wikipédia

 Histoire du dessèchement des lacs et marais en France avant 1789

MARAIS DE LA PETITE-FLANDRE.

Les premiers travaux, opérés dans l’ouest par la Société générale de dessèchement des marais et lacs de France, eurent lieu en dehors du golfe du Poitou, dans ces terres mouillées de la Saintonge qui s’étendent, aux environs de Rochefort, entre Tonnay-Charente et Muron.

Humfroy Bradley fit un premier traité avec Jeanne de Saulx-Tavannes, veuve de René de Rochechouart, baron de Mortemart et seigneur de Tonnay ; mais il fut obligé d’abandonner son entreprise, à cause des difficultés nombreuses qu’il rencontra. Après s’être associé à Marc et à Jérôme de Comans, ainsi qu’à François de la Planche et à plusieurs personnes notables, il passa un second contrat avec la dame de Tonnay-Charente qui lui céda les marais, sous réserve pour elle d’un vingtième des terrains, après leur desséchement, d’une rente annuelle de douze deniers par journal et d’un cheval de service apprécié cinquante livres, à chaque mutation de seigneur (janvier 1607).

Ce furent les Comans qui dirigèrent ce dessèchement. Ils firent venir de Flandre une quantité d’ouvriers. En 1610, ils avaient déjà dépensé 90.000 liv., mais « aucuns malveillants et envieux se transportèrent de nuit sur les levées que l’on avait mis deux ans à construire et les percèrent en plusieurs endroits, de telle sorte que l’eau des marais voisins est entrée sur les terres desséchées et les a remplies et rouvertes à grande perte et dommage. »

Un arrêt du Conseil du roi du 6 mars 1610 (NDLR voir sur Histoire Passion) ordonne au lieutenant civil et criminel de Saint-Jean-d’Angély d’informer contre ceux qui ont commis ces délits et de « parfaire le procès aux coupables » ; et « pour éviter aux inconvénients qui pourront ci-après arriver par le moyen de telles ouvertures suffisantes pour faire submerger hommes et animaux qui se trouveraient dans lesd. marais desséchés, Sa Majesté a fait inhibition et défense à toutes personnes de faire à l’avenir de telles ouvertures auxd. levées, à peine d’être punies corporellement. »

La mort de Henri IV et la guerre contre les protestants de l’Ouest interrompirent les travaux, et ce dessèchement n’était pas arrivé à sa perfection en 1639, année dans laquelle une déclaration de Louis XIII (NDLR voir sur Histoire Passion), rappelant tous les empêchements qui s’étaient présentés, prolongea la concession faite à Bradley, et dont le délai venait d’expirer, pour une nouvelle période de vingt années.

Déjà, à cette époque, les marais situés « ès paroisses de Tonnay-Charente, Muron et autres contiguës et attenantes », étaient appelés marais de la Petite Flandre.

Le partage entre les dessiccateurs attribue une portion de terrains fort étendue à la famille des Comans. Elle y créa le fief des Ondes [1], appelé aussi du Pavillon, celui de la Cabane-Neuve et plusieurs autres.

 Muron et ses environs : monographie de Frédéric Arnaud - 1898

XVII. — Desséchement du marais de Saint-Louis [2]
C’est à Henry IV et à son premier ministre, Sully, que nous devons le desséchement de nos marais. L’édit royal du 8 avril 1599 accordait aux dessécheurs la moitié de tous les palus et marais desséchés par eux ; dès lors, l’impulsion fut donnée et beaucoup de travaux commencèrent [3]. Le roi conféra le titre de grand-maître des digues de France à l’ingénieur géographe Humfroy Bradlay, originaire du Brabant.

Bradlay s’associa avec des hommes puissants ou compétents, parmi lesquels : Nicolas de Harlay, François de Villelongue, Jean de Fourcy, le duc de Mazarin, Marc de Comans, Gérôme, Varafle et François de la Planche. Quelques cabanes du marais de Saint-Louis portent les noms de ces dessécheurs.

L’entreprise résolut de dessécher d’abord les marais de la principauté de Tonnay-Charente ; elle s’entendit, à ce sujet, avec Mme veuve de Mortemart. Les conditions du traité furent arrêtées dans un acte passé devant Robert-Rousseau, notaire au Châtelet d’Orléans, le 1er janvier 1607.

Dans cet acte il est dit que « haute et puissante dame Jeanne de Sault, princesse de Tonnay-Charente, veuve de messire Rochechouart de Mortemart, a concédé à Marc de Comans, gentilhomme brabançon naturalisé français, et à François de la Planche, gentilhomme flamand, le droit de dessécher tous les palus et marais de sa principauté. »

Mais les eaux de la Gère furent un obstacle sérieux à l’exécution des travaux ; il fallait absolument donner à ces eaux une autre direction, ce qui ne pouvait se faire qu’avec l’assentiment des propriétaires de Muron, qui étaient alors les Bénédictins de Saint-Jean d’Angély.

Bradlay s’entendit avec eux ; le 1er décembre 1607, il fut passé devant Moïse Braconnier, notaire à La Rochelle, un acte dans lequel fut établi que Philippe Leclerc, prieur et châtelain de Saint-Xiste de Muron, dépendant de l’abbaye de Saint-Jean d’Angély, concède à Jean de Fourcy et à Isaac Martin du Monnoy, le droit de dessécher tous les marais du prieuré de Muron. Philippe Leclerc se réservait la vingtième partie du terrain desséché. Il fut convenu, en outre, que les associés Bradlay, pour donner un écoulement aux eaux de la Gère, creuseraient aux abords du Gué-Charreau un grand canal destiné à recevoir ces eaux ; on creusa, à cet effet, les canaux des Parpaings et des Dorades [4]. Il était stipulé encore que de Fourcy et Martin s’obligeaient envers le prieur de Muron à laisser passer sur ces grands canaux, par bateaux et sans aucun droit de péage, quatre mille boisseaux de blé et trente tonneaux de vin. De plus, les entrepreneurs auront à payer à Leclerc ou à ses successeurs, douze deniers tournois de rentes féodales et directes, le 1er janvier de chaque année et par chaque journal de terrain desséché, à la condition de tenir les dites terres à foi et hommage du prieur de Muron, et de faire le serment de fidélité.

A peine les travaux étaient-ils commencés, que les habitants de Muron et de l’Ile-d’Able se soulevèrent en masse et opposèrent, à main armée, une vive résistance aux ouvriers flamands ; ils soutenaient qu’ils avaient dans ces marais, de temps immémorial, des droits d’usage, de rouchage, pêchage, herbage et pâturage, desquels ils seraient privés après le desséchement ; ces droits, disaient-ils, étaient pour eux d’autant plus précieux qu’étant peu moyennés, ce serait, en les en privant, les réduire à une profonde misère.

D’un autre côté, un procès avait été intenté aux dessécheurs par les religieux de Saint-Jean d’Angély, afin de faire casser et révoquer le contrat du 1er décembre 1607, sous prétexte que Philippe Leclerc, prieur de Muron, ne s’était réservé que la vingtième partie des terrains desséchés, au lieu de la moitié, comme le prescrivait l’édit royal du 8 avril 1599.

Les associés de l’entreprise ne tinrent aucun compte de ces protestations ; il s’en suivit des débats judiciaires qui durèrent près de vingt ans, devant divers bailliages et parlements.

Enfin, le 8 décembre 1624, une transaction eut lieu ; il fut passé devant Jagueneau, notaire à Saint-Jean d’Angély, un contrat dont lecture a été donnée, un jour de dimanche, devant la porte de l’église de Muron, à l’issue de la grand’messe. Dans ce contrat, il est dit que les habitants consentent à ce que les travaux de dessèchement reprennent leur cours ; ils renoncent à tous les droits d’usage qu’ils pouvaient avoir. De leur côté, les associés ont fait abandon et cession perpétuelle aux dits habitants, d’une certaine quantité de marais, qui leur furent livrés après l’entier achèvement des travaux de dessèchement. On donna à ces terrains le nom de Prises de Muron et de l’Ile-d’Able ; la vingtième partie réservée par le prieur était placée à côté de ces prises, afin de ne former qu’un seul tenant, connu aujourd’hui sous le nom de Marais-Plat.

Ces terrains sont demeurés en possession des religieux jusqu’à la Révolution. A cette époque, l’Etat s’en est emparé comme biens nationaux ; en 1792, ils furent répartis entre tous les habitants de la commune. Ces prés sont encore, de nos jours, connus sous la dénomination de parts.

La contenance approximative des différents marais de la commune est la suivante :
Marais de Saint-Louis 2.065 hectares ; Grand-Marais. 400 ; Marais-Plat. 200 ; Marais-Loubi. 100.

Source : Muron et ses environs : monographie - Frédéric Arnaud – Rochefort - 1898 – BNF Gallica


[1C’est sans doute à raison du fief des Ondes, qu’Hippolyte de Comans, dixième et dernier enfant de Marc, fut assigné, en 1666, devant l’intendant de Limoges, Henri d’Aguesseau, afin de produire ses preuves de noblesse.

[2En 1856, au sujet d’une contestation survenue entre les directions du marais de Saint-Louis et du Marais-Plat, M. Gerbier, notaire, alors directeur du Marais-Plat de Muron, fit différents rapports à l’autorité supérieure et produisit des titres établissant ses droits de faire écouler ou de prendre des eaux par le petit canal de Saint-Louis. Nous devons la communication de ces documents, desquels nous avons extrait la plupart des notes qui suivent, à l’obligeance de M. Louis Feydeau, adjoint au maire de Muron et sous-directeur du Marais-Plat.

[3Gautier. Statistique de la Charente-Inférieure, p. 306.

[4Ces canaux existent encore, mais ils ont été sensiblement rétrécis.

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