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Châteaux disparus de Charente, par J.-H. Michon

lundi 29 juillet 2013, par Jean-Claude, Pierre, 3798 visites.

Dans son ouvrage de référence "Statistique monumentale de la Charente", l’abbé J.-H. Michon fait un inventaire des châteaux de Charente, et commence celui-ci par les châteaux disparus. Quelques archives et/ou des vestiges archéologiques permettent d’en connaître l’existence. J.-H. Michon ne mâche pas ses mots à l’égard des élus qui laissent détruire ces souvenirs du passé.

Source : Statistique monumentale de la Charente - J.-H. Michon - 1844 - Google livres

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Jarnac : le vieux château, aujourd’hui disparu
Dessin de Jean-Claude Chambrelent d’après une gravure ancienne - 03/2008

Placé sur les marches du Midi et du Nord, l’Angoumois a été le champ de bataille où les races antipathiques se sont rencontrées pour conquérir ou pour se défendre. Tour-à-tour, Angoulême et les petites forteresses du pays furent le boulevard de l’Aquitaine contre les hommes du Nord, ou protégèrent la France contre l’Anglais, possesseur du midi.

Telle est la raison de ce grand nombre de constructions féodales dont notre pays est couvert. Nous en retrouvons à chaque pas les débris silencieux échappés au temps ou au fer de l’homme cupide. Toutefois, souvent l’œil curieux n’a pas même pour se fixer un seul bloc de pierre qui puisse indiquer vaguement un genre de travail. Une motte nue, entourée de ses douves à demi comblées, quelques morceaux de tuile ou d’ardoise, viennent seuls, aidés par l’histoire, nous dire que là une tour, un manoir féodal se sont élevés. Le souffle qui balaie les choses humaines a emporté toute cette poussière.
Voici l’inventaire que nous laissons aux siècles à venir, pour qu’ils reconnaissent au moins les traces de ces monuments dont le nom est toujours mêlé aux événements de l’histoire.

Châteaux à date incertaine dont il ne reste que l’emplacement ou la motte féodale [1].

Chaumont. Le Château des Fées.
Coyron. Loubert.
Guignebourg. Manteresse.
Jarnac. Mettric.

Plusieurs châteaux ont entièrement disparu. Ils ont été démolis à diverses époques, soit qu’ils fussent tombés en ruine, soit qu’ils eussent inspiré quelque crainte comme pouvant servir de retraite aux ennemis en temps de guerre. Nous mentionnons ici ceux dont aucun vestige ne peut rappeler ni la date ni le genre de construction.

- CHAUMONT. Tour placée sur un mamelon à quatre kilomètres, sud-est, de la Vallette. Elle a été entièrement détruite.
- COYRON, près de Bardenac. Ce château est aussi complètement rasé ; on n’en voit que l’emplacement. Il se compose de deux parties. La motte féodale, entourée d’un large fossé, est de forme oblongue, et a de diamètre à sa base 35m sur 25. Elle est séparée de la plate-forme du château par un fossé de 6m de diamètre. Cette plate-forme a 41m de longueur sur 38 de largeur. Elle présente un ovale échancré par le haut. Les talus, à partir du fond du fossé, ont 10m de hauteur, et les fossés 6m de largeur.
Il ne reste pas une pierre sur ce terrain blanchâtre et nu, si profondément creusé par la main féodale. On voit seulement des débris de tuiles creuses et quelques petits morceaux d’ardoise [2].
- GUIGNEBOURG. Fief entre Montjean et Londigny. Quelques débris de murs sous des broussailles. C’était, au XVIIe siècle, le patrimoine de la famille de Beauchamp, ancienne et bonne noblesse de l’Angoumois [3].
- JARNAC, Un magnifique château a fait autrefois l’ornement de la ville de Jarnac. L’emplacement qu’il occupait est aujourd’hui une place publique plantée d’arbres. Le seul débris qu’on ait conservé est une belle porte à arc surbaissé, ornée de colonnes ; encore ce débris est-il menacé chaque année d’une délibération des édiles de Jarnac, qui le condamnera à être démoli.

Un château même défiguré, comme ils le sont presque toujours quand notre main les habille à la moderne, va si bien à une ville, par sa masse imposante, ses tourelles aiguës, sa fière allure qui dit tout haut à ceux qui passent qu’une ville n’est pas née d’hier, que ce n’est pas un grand village dont les habitants soient sans aïeux dans l’histoire.

Le château était baigné d’un côté par la Charente et entouré de douves toujours pleines. D’immenses jardins, des îles formées par le fleuve et couvertes de bosquets, un parc magnifique, remplacé de nos jours par de vastes prairies, étaient l’embellissement de ce château, que vous trouverez mentionné fréquemment dans les guerres religieuses dont ce pays a été le théâtre.

Les hommes qui, comme à Jarnac, n’ont pas voulu conserver au moins une large et haute tour en souvenir du vieux castel qui abrita tant de fois leurs pères, ont commis un de ces crimes que les siècles ne leur pardonneront pas. Ils se sont déclarés enfants de Barbares, dignes d’être nés dans ces misérables villes de bois que les Huns élevaient à la hâte dans leur incursion dévastatrice à travers le monde civilisé.
Aussi, ai-je recueilli avec bonheur tout ce qui est, après un demi-siècle, une protestation solennelle contre le grossier vandalisme de ces hommes. Une génération intelligente a surgi après eux, et elle flétrit justement la pensée ignoble et farouche qui a ôté à tant de nos villes leur beau caractère. Honneur à qui protège le passé ! Je recevais, le 12 mars 1846, une lettre d’un des plus estimables négociants de Jarnac, qui sollicitait mon appui en faveur d’un débris encore intéressant du château de Jarnac. Il me disait : « Vous avez sans doute remarqué, à l’entrée de notre petite ville, une porte ; c’était celle de l’ancien château, que le vandalisme révolutionnaire a détruit. Cette porte, je le reconnais, n’a rien de remarquable ; c’est simplement un tas de pierres, si l’on veut ; mais ce tas de pierres appartient aux siècles passés ; c’est un baliveau de la grande forêt qu’on a abattue, c’est un jalon sur la route de l’observateur, et j’y tiens pour cela seulement. Eh bien ! voilà six ans que je lutte au conseil municipal pour sa conservation. Il n’y a point de session sans que la proposition de la démolir ne soit faite, et, jusqu’à présent, la majorité a été conservatrice. Mais je sens que la terre tremble, et à la session de février dernier, les démolisseurs avaient gagné des forces. Sur onze membres, six seulement ont été fidèles aux bonnes traditions. Ne pourriez-vous pas nous aider ? la Société archéologique ne pourrait-elle pas prendre ce tas de pierres sous sa protection ? etc., etc. »

On devine ma réponse . elle fut triste. On a toujours assez de pouvoir pour faire le mal ; il est plus difficile de protéger. Les administrations municipales, si enchaînées, si dépendantes, dépouillées par la force qui centralise, de toutes ces libertés de cité dont nos pères avaient droit de s’enorgueillir comme de libertés réelles, ont conservé le droit de démolir. Nul monument n’est à l’abri de leurs délibérations. Un corps-de-garde nécessaire à l’angle d’une place ne sera pas construit sans que le plan, le devis, ait été soumis à un examen sévère, à d’interminables formalités. Mais pour aligner une rue, adoucir une pente, construire un pont, qu’il y ait à détruire le monument le plus respectable pour les souvenirs de religion ou de patrie qu’il rappelle, la démolition aura lieu. On sait les luttes que le Gouvernement lui-même a eu à soutenir contre le conseil municipal de la ville d’Orléans.

On a beaucoup démoli, on démolira beaucoup encore. L’archéologie est une science pleine d’intérêt ; conservatrice du passé, elle relie les temps écoulés aux âges modernes, elle rattache au sol illustré par les événements, aux pierres qui ont vu de grands hommes et de grands faits, la noble pensée du patriotisme, qui est un second amour filial ; mais elle n’a que d’inutiles prières contre la tendance des esprits inintelligents qui trouvent laid tout ce qui est vieux, et inutile tout ce qui gêne.

- LE CHATEAU DES FÉES. On a donné ce nom à des ruines qui se voient au levant de Saint-Cybardeaux, près du village des Bouchauds. Je n’ai trouvé aucune trace historique de cet édifice, dont le nom seul indique l’ancienneté. Quelques fragments de murs, à la naissance du sol, ont 1m 33 d’épaisseur ; mais on ne peut rien préciser sur l’âge de cette ruine féodale.

A propos du "Château des Fées", voir sur Histoire Passion "Les Bouchauds à Saint-Cybardeaux (16) - Le théâtre gallo-romain, sa longue et triste histoire"

- LOUBERT. Une très-ancienne tour que la tradition fait remonter aux Romains, mais qui vraisemblablement n’était pas antérieure au moyen-âge, s’élevait au bord de la Charente, à peu de distance de l’église de Loubert, et défendait un pont sur lequel on traversait cette rivière. Le pont a été détruit, à l’exception des piles, et la tour a complètement disparu. Il reste seulement une très-belle motte féodale, qui a environ 15 mètres à la surface. Les fossés creusés autour d’elle ont 2m de largeur [4].
- MANTERESSE. La baronnie de Manteresse appartenait dans les derniers temps aux seigneurs de Montberon. Elle est située à peu de distance de Montberon. On ignore à quelle époque le château fut détruit [5]. M. Marvaud rapporte une vieille tradition d’après laquelle deux frères, seigneurs de Manteresse, opprimaient le peuple des environs et rançonnaient les passants ; le peuple indigné courut aux armes, s’empara des tours féodales et les rasa [6].

La motte sur laquelle s’élevait le château indiquerait, par les ruines qu’elle conserve encore et par son diamètre, un édifice important. Je publierai dans l’histoire des villes et fiefs de l’Angoumois une sentence curieuse du juge de Manteresse, de 1418.
- METRIC. Petite justice dans la paroisse de Chasseneuil, relevant du Poitou et faisant partie d’une enclave en Angoumois, formée de Montembœuf, Vitrac, Suaux en partie et Métric. La tour ou le petit manoir de Métric s’élevait sur une motte artificielle, aujourd’hui cultivée et renfermée dans un jardin. Quelques-uns disent qu’une prison voûtée est recouverte par cette motte. C’est le seul vestige de ce petit château.


[1Beaucoup d’autres tours moins importantes, telles que Rhodas, Brettes, Chilliet, etc, ont complètement disparu du sol. Cassini les a relevées sur sa carte.

[2Fr. de la Rochefoucauld, seigneur de Barbezieux, vers la fin du XVe siècle, était seigneur de Coiron (Élie Vinet, antiq. de Saintes et Barbezieus).
J’ai trouvé au XVIIIe siècle, Mre Honorât Isoré, baron d’Hervant, de Plammartin, en Poitou, et de la Châtellenie de Coyron.
Il n’y a pas, dans le pays, souvenir de l’époque où ce château a été détruit.

[3Armor. ms. Clairambaud (Nobl. d’Angoumois).

[4Loubert était une châtellenie qui portait au XVIIe siècle le titre de baronnie. En 1606, Fr. de Salignac, chev seigneur de la Mothe-Fénelon, était baron de Loubert. En 1698, Loubert appartenait au marquis de Fénelon, neveu de l’archevêque de Cambrai (Mémoire de l’intendant de la généralité de Limoges)

[5« Ancien chasteau ou forteresse de Manteresse, situé dans la paroisse de Saint-Maurice (de Montberon), entièrement ruiné et détruit » Acte du 6 avril 1773 (Arch du Royaume, carton q, 112)

[6Etude historique sur l’Angoumois, page 256.

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