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1742 - Enfants abandonnés : l’évêque de Saintes ne veut pas payer pour le Roi

samedi 20 novembre 2010, par Pierre, 420 visites.

Plan général de cette étude Références et bibliographie

Qui doit payer la charge publique de la nourriture et de l’entretien des enfants abandonnés ? La répartition doit elle se faire selon le lieu de naissance ? selon le lieu d’abandon ? Problème complexe dans l’organisation de l’Ancien Régime. Quoi qu’il en soit, l’évêque de Saintes ne veut pas payer à la place du roi. Il écrit à l’entourage royal pour défendre sa cause.

Source : AD17 - Cote C212 - Transcription par Pierre Collenot

Je ne saurois assez vous remercier, Monsieur, des marques de bonté dont vous m’honnorez en toutes occasions et des dernières que vous m’en avez données au sujet de l’avancement de mon frère : je vous suplie d’estre bien persuadé de ma très parfaite reconnoissance et du désir que j’aurai toujours de pouvoir mériter de vous la continuation de vos bonnes grâces et de vos bons offices.

J’ai reçeu une réponse de M. le Controlleur général au mémoire que je lui avois envoyé touchant le remboursement qu’il vouloit exiger de moi de la somme de 8658 livres employées pour la nourriture et entretien des enfans exposez dans la ville de Saintes depuis le 1er de janvier 1737 jusque au 1er d’octobre 1740. Il convient bien qu’il n’est pas juste que je suporte toute cette dépense, puisque je ne suis pas seigneur de toute la ville. Mais il ajoute qu’il vous a écrit pour savoir combien il y a de maisons dans la partie qui est dans la directe du Roy,et combien il y en a dans celle de l’évêché, et pour vérifier s’il n’y a eu aucuns de ces enfans qui ayent esté exposez sur notre territoire. Quant à cette dernière question il est très certain qu’aucuns des enfans qui ont esté mis sur le compte du Roy, n’a ésté exposé sur le territoire de l’évêché, et la preuve en est constatée par les procez verbaux faits par les officiers du Roy. Nous pouvons prouver de même que tous les enfans qui se sont trouvez exposez sur le territoire de l’évêché, ont esté nourris et entretenus à mes dépens ; car la preuve en résulte des procez verbaux faits par les officiers de l’évêché, et par les payemens faits aux nourices. Mais si le nombre de ceux qui ont esté exposez dans la directe du Roy excède beaucoup, c’est qu’on les expose le plus communément à la porte de l’hôpital général, qui est dans cette directe du Roy, parce que cette porte est dans un lieu écarté des habitations, et parce que ceux qui les exposent présument que ces enfans seront plus tôt secourus qu’ailleurs à cause de la charité qui s’y exerce. J’aurai aussi l’honneur de vous dire en secret, s’il vous plait, qu’on assure que ce qui a fort augmenté la dépense de la nourriture de ces enfans sur le compte du Roy, c’est que ses officiers faisoient des conventions trop chères avec les personnes qu’ils chargeoient de cette nourriture et de cet entretien, ce qui a fait dire qu’il leur en revenoit une retribution. Quoi qu’il en soit, on dit aussi que pour prévenir toute fraude là-dessus vous avez très prudemment fixé la somme qui seroit payée pour cet effet.

Mais quant à ce qui est de fixer la quotité de la dépense que le Roy doit suporter pour cette nourriture de ces enfans et celle qui seroit à la charge de l’évêque en proportion du nombre des maisons dont l’un et l’autre territoire sont composez, comme M. le Contrerolleur général me mande qu’on ne poura pas se dispenser de faire,il y a plusieurs choses à observer là-dessus.
Car
- 1° ce règlement seroit nouveau et absolument inoüi jusqu’à présent dans cette ville, où cela a toujours esté décidé uniquement suivant le lieu où chaque enfant s’est trouvé exposé. Or un règlement nouveau et inoüi auparavant ne doit point avoir un effet rétroactif, et par conséquent je ne devrois estre chargé d’aucune partie de la dépense faite avant ce règlement quant aux enfans exposez dans la directe du Roy.
- 2° si l’on vouloit pretendre que ce règlement nouveau et inoüi dans cette ville auroit pu faire loi par anticipationpour les années précédentes dont il s’agit, il auroit fallu même en ce cas que les officiers de la justice de l’évêque, ou quelque commissaire pour lui,eussent esté appellez aux conventions ou marchez faits pour la nourriture et entretien de ces enfans ; car l’évêque auroit eu beaucoup d’interest que la somme convenüe ne fut pas excessive et certainement elle auroit esté beaucoup moindre, si cela auroit esté observé.
- 3° Il est certain que le beaucoup plus grand nombre de ces enfans qu’on expose, sont portez des faubourgs, lesquels sont habitez par un petit peuple pauvre et fort dereglé, ce qui l’engage à cette exposition non seulement des bastards, mais quelques fois aussi des enfans legitimes. Or dans ces faubourgs qui sont plus grands que la ville, la haute justice apartient à divers seigneurs. Dans le faubourg de Saint Eutrope et dans le faubourg de Saint Vivien elle apartient aux prieurs de Madame d’Abbesse. Là aussi dans le faubourg qu’on appelle le faubourg des Dames à cause de son abbaye. Tous ces seigneurs devroient estre plus chargez que l’évêque en proportion puisqu’il est certain que le beaucoup plus grand nombre des enfans exposez sont nez dans leur seigneurie.
- 4° Il est certain aussi que des campagnes voisines l’on porte de même des enfans qu’on expose la nuit à la porte de l’hopital qui est dans la directe du Roy. Or comme on ne sait point dans quelle seigneurie ils sont nez, ils doivent estre presumez estre nez sous la justice du Roy qui est le seigneur direct de tous ceux dont on ne connoit point d’autre seigneur direct.
- 5° La ville de Saintes est un passage très fréquenté, parce qu’elle est sur la route de Bourdeaux, de toute la Guienne jusqu’aux Pirennées et de l’Espagne. C’est pourquoi il passe continuellement par cette ville un grand nombre de mandians ou d’avanturiers des deux sexes, qui y laissent des enfans exposez et toujours sur la directe du Roy, parce que c’est le seul endroit où il soit facile de les exposer sans qu’on s’en aperçoive. Or ces gens vagabonds ne peuvent estre censez avoir d’autre seigneur direct que le Roy.

Si donc le domaine du Roy n’étoit chargé de la nourriture et entretien des enfans qu’en proportion du nombre des maisons qui sont de sa directe dans cette ville, il est évident que les autres seigneurs hauts justiciers dans cette même ville et dans ses faubourgs seroient fort lezez contre justice par ce nouveau règlement.

Vous pouvez, Monsieur, connoitre la vérité très précise de tout ce que j’avance ici, et j’espère de votre équité que vous aurez la bonté de la certifier. Je serai toute ma vie très parfaitement et respectueusement, Monsieur, votre très humble et très obeissant serviteur.

† Léon évêque de Saintes
à Saintes le 26 de May 1742

Au reste, Monsieur, je vous serois très sensiblement obligé si vous vouliez bien avoir la bonté de me communiquer l’état qu’on vous aura produit du nombre des maisons de la ville de Saintes qui sont dans la directe du Roy et de celles qui sont dans la directe de l’évêché ; car il m’importe fort de savoir si on n’y aura point is du plus ou du moins.

L’on oublia samedy de porter cette lettre à la poste ; c’est pourquoi je la mets aujourd’huy sous la même enveloppe avec les deux autres.
28 may

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