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1849-1850 - Les premiers pas chancelants de la colonie de Medjez-Amar

quand l’utopie des adultes ouvre aux enfants les portes de l’enfer

lundi 18 avril 2016, par Pierre, 384 visites.

 Les arrivées d’enfants à Medjez-Amar

Il subsiste quelques incertitudes sur le calendrier de ces arrivées.

Il est écrit dans" Des Colonies Agricoles établies en France en faveur des jeunes détenus, enfants trouvés, pauvres, orphelins et abandonnés" [1] « M. l’abbé Landmann est arrivé en 1847 à Medjez-Amar avec 15 orphelins de 12 à 18 ans, et 6 frères pris dans la colonie de Notre-Dame-des-Vallades ». Cette indication semble inexacte. Il y a probablement ici une confusion entre la date d’acquisition de la concession (1847) et celle de la première arrivée d’enfants de Charente-Inférieure (1849).

Nous savons par les courriers de Jean de Luc que des enfants venant de Charente-Maritime ont fait partie de deux voyages :

- le voyage d’avril 1849

Le Journal des Débats politiques et littéraires du 18 avril 1849 relate ce voyage :

Cinq enfants (sur les 15 mentionnés dans l’article) dépendant des hospices de Charente-Inférieure sont de ce voyage [2]. Il s’agit de :

MatricNomDate de naissAge à l’arrivéeHospice d’origine
431 Legué Benoit 14/07/39 9,7 Saintes
2223 Jacques Bernard 09/03/38 11,1 Rochefort
121 Zénon Nanon 30/12/37 11,3 Saintes
8 Nimpha (Neffand) Jean Baptiste 26/05/36 12,8 Saintes
37 Guy François 29/06/36 12,8 Saintes
69 Marchais Jean 23/07/33 17,5 Saintes

Observations :
- Les données de ce tableau ont été obtenues à partir de plusieurs documents postérieurs à 1849.
- Aux Archives Départementales de la Charente-Maritime, aucun document de 1849 ne traite de ce départ. Nous ignorons comment l’autorisation administrative a été accordée à Jean de Luc.
- Dans les nombreux documents où les noms des enfants sont cités, la façon de les écrire est très fluctuante, et nom et prénom souvent confondus et inversés.
- Les dates de naissance sont approximatives pour les enfants abandonnés.
- Malgré une règle proposée par Jean de Luc, 3 de ces enfants ont moins de 12 ans.
- Il y a, dans ce premier contingent de 15 enfants, plusieurs enfants devenus orphelins suite au décès de leurs parents pendant l’insurrection de juin 1848 (à Paris, 1 800 morts parmi les forces de l’ordre et 4 000 tués parmi les insurgés).

Fin 1849, une trentaine d’enfants auraient été réunis à Medjez-Amar. Nous n’avons pas d’information sur des départs entre avril 1849 et janvier 1851 ; ce chiffre est incertain.

- le second voyage, en janvier 1851

Le 19 novembre 1850, le Ministre de la Guerre, autorise le passage gratuit, pour l’Algérie, de 30 enfants et de 10 frères qui les accompagnent.

Une liste de ces 40 personnes est fournie au Préfet par le Sous-Préfet de Marennes

Les 10 "frères" :

Jean Charles de Luc, dit frère Marie Théodore
Pierre Métayer, frère Jacques Marie
Pierre Vingneau, frère Marie Raphaël
Jean Ducasse, frère Marie Augustin
Jean Constant Ferret, frère Marie Thimotée
Philippe Volta, frère Marie Rollien
François Rou, frère Marie Alexandre
Pierre Métayer, frère Marie Antoine
François Romain, frère Marie Vincent
Jean Marchais, frère Marie Urbain

Les 30 enfants (classés par ordre d’âge croissant) :

MatricNomDate de naissAge à l’arrivéeHospice d’origine
1232 Philon Paul Benoit Julien 31/05/42 8,6 La Rochelle
1208 Platon Joseph 18/03/42 8,8 La Rochelle
1198 Poussard Pierre Gabriel 09/03/42 8,9 La Rochelle
1178 Zéphirin Edouard 23/01/42 9,0 La Rochelle
1970 Viaud Jacques Jean 29/11/41 9,1 Rochefort
2195 Venant Jean Lagon 02/10/41 9,3 Rochefort
1939 Bon Baptiste 11/08/41 9,4 Rochefort
198 Xerês Frédéric 04/06/41 9,6 Saintes
1892 Tourneur Charles 11/05/41 9,7 Rochefort
134 Nacode Alexandre 01/04/41 9,8 Saintes
1891 Fridolin François 05/03/41 9,9 Rochefort
191 Elie François 26/01/41 10,0 Saintes
1849 Gibaud Jean 11/11/40 10,2 Rochefort
137 Jules Jean 28/10/40 10,2 Saintes
1841 Charles Eugène François 04/10/40 10,3 Rochefort
117 Fleurence Hilaire 15/01/40 11,0 Saintes
166 Guimard Victor 05/09/39 11,4 Saintes
113 Elvar Jean Lubin 09/07/39 11,5 Saintes
111 Calmas Boniface 21/03/39 11,8 Saintes
462 Gardrat Henri 02/10/38 12,3 Saintes
49 Pallamède Placide 31/03/38 12,8 Saintes
200 Malcom Casimir 07/12/37 13,1 Saintes
1020 Roux Jean 23/08/37 13,4 Saintes ?
Pincely Auguste César  ?  ? Saintes ?
Catalin Vincent  ?  ? Saintes ?
Bertin Julien  ?  ? Rochefort ?
Schmisk Nicolas  ?  ? La Ronce
Amand Théogène Fillas  ?  ? Paris
Aubil Jean Alexandre  ?  ? Paris
Réal Alfred  ?  ? Marennes

Observations :
- Sur ces 30 enfants, 22 au moins proviennent des hospices de la Charente-Inférieure ; 2 viennent de Paris, la provenance des 6 autres est incertaine.
- Les données de ce tableau ont été obtenues à partir de plusieurs documents postérieurs à 1851.
- Même problème que ci-dessus pour les noms, prénoms et dates de naissance.

Le nombre total de personnes arrivées à Medjez-Amar par ces deux voyages serait :
- 45 enfants, dont 28 venant de Charente-Inférieure
- 14 ou 15 frères

Il n’y aura pas d’autre voyage de la Charente-Inférieure à destination de Medjez-Amar.

 Les problèmes ne tardent pas à surgir

La description faite par Yves Turin dans "Enfants trouvés, colonisation et utopie : Étude d’un comportement social au XIXe siècle" [3] mérite d’être citée intégralement.

« La première inspection, déjà, est défavorable la nourriture est insuffisante, le directeur bat les enfants !. L’année suivante, la situation s’aggrave. Plus de chaussures, à peine des paillasses, ou couche par terre, pas la moindre éducation. Officiellement, le nouveau directeur fait l’éloge de son œuvre, en privé, il écrit à l’abbé Brumauld « Dites-moi un peu ce que je dois faire pour empêcher mes enfants de se déchirer toutes les six semaines une paire de pantalon et une veste. (On se doute de ce que pouvait être la vie quotidienne pour aboutir à de pareils dégâts !) Je ne puis y suffire et plusieurs vont en lambeaux. On me dit que vous leur faites des pantalons avec de la toile de voiles et de tentes. Est-ce bien vrai ? Je crois que cela n’est pas mal et que je ferai bien d’en faire autant. Donnez-moi donc quelques bons conseils à ce sujet et encore d’autres que votre bon cœur et votre vieille amitié vous dictera [4]. » Comme les bienfaits de l’association coopérative sont loin ! Les perspectives offertes par le matériel agricole ne sont pas meilleures « La dernière fois que j’eus le bonheur de vous voir, vous me fîtes connaître que souvent vous achetiez par remonte et à bon compte des voitures, des tombereaux, des harnais. Vous devez être depuis longtemps amplement pourvu de tous ces objets, peut-être même en possédez-vous plus qu’il ne vous en faut. Dans ce cas, ne pourriez-vous pas me céder une ou deux voitures ? Si elles étaient à quatre roues, ce ne serait que mieux, je n’en ai que deux à deux roues. Un ou deux tombereaux me sont indispensables, ne pourriez-vous pas me les céder au prix de revient, vous me rendriez le plus grand service. De simples roues même nous seraient très utiles. Je n’aurais osé vous solliciter, si je ne savais par expérience combien vous aimez à rendre service [5]. » Voici le directeur de Medjez-Amar peint par lui-même. L’intérêt de ces lettres est de permettre la confrontation de la plus pauvre des réalités avec ses théories ambitieuses. Il est rare de pouvoir le faire aussi brutalement : deux voitures à deux roues pour cultiver 1 000 hectares [6] « Une incapacité fabuleuse », dit le lieutenant-colonel Périgot, commandant du cercle [7]. »


[1Des Colonies Agricoles établies en France en faveur des jeunes détenus, enfants trouvés, pauvres, orphelins et abandonnés – Précis historique et statistique – Jules de Lamarque et Gustave Dugat – Paris – 1850 - voir en ligne

[2Courrier de Jean de Luc du

[3Enfants trouvés, colonisation et utopie : Étude d’un comportement social au XIXe siècle – Yves Turin - Revue historique / dirigée par MM. G. Monod et G. Fagniez – PUF – Paris – 1970 – BNF Gallica

[4Archives Paray-le-Monial, t. II, p. 679 ; Lettre autographe, 24 juin 1850.

[5Archives Paray-le-Monial, t. II, p. 680 Lettre autographe, 5 juillet 1850.

[6A. N., F 80 1643.

[7A. N., F 80. 1643. Rapport du cercle du Guelma. Commandant Périgot au général de Salles.

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